fr en 

En quoi les produits laitiers peuvent-ils substituer les produits carnés ?

11 mai 2020

Tant pour des raisons environnementales, économiques, que de santé, la tendance alimentaire est aujourd’hui à la réduction de la consommation de viande. Depuis de nombreuses années, plusieurs modes d’alimentation comprenant peu voire pas de viande sont très en vogue : pour ne citer que les plus courants, nous avons le flexitarisme (réduction forte de la consommation de viande), le végétarisme (exclusion de la viande), ou encore le végétalisme (exclusion de tout produit d’origine animale). Ainsi, d’après une étude du Credoc de 2018, la consommation de produits carnés a baissé de 12% en France en seulement 10 ans.1

 

Cependant, pour nombre d’entre nous, la viande est ou était notre source principale de protéines. Il a donc été nécessaire de se tourner vers différentes alternatives pour pouvoir couvrir ses besoins nutritionnels. C’est ainsi que les produits laitiers peuvent constituer des substituts de choix pour les flexitariens et les végétariens !

 

Les produits laitiers sont-ils une bonne source de protéines ?

Pour répondre à cette question, le meilleur moyen est de consulter une table de composition nutritionnelle des aliments telle que la table Ciqual de l’ANSES.2 Les données de la figure 1 sont ainsi tirées de cette base de données.

 

 

Quantité protéines produits laitiers lait

Figure n°1 : Quantité de protéines dans différentes portions de produits laitiers.2

 

Comparons les données de la figure 1 avec celles d’un produit carné, par exemple un steak haché de bœuf de 100g : celui-ci contient entre 20 et 25g de protéines. Une part de camembert (6,3g de protéines) accompagnée d’un bol de 200g de fromage blanc (16g de protéines) permet d’apporter 22,3g de protéines, soit autant que ce steak haché de bœuf. Les produits laitiers sont ainsi de bonnes sources de protéines pour remplacer les viandes.2


Les protéines laitières sont-elles de bonne qualité ?

Oui, il s’agit de protéines d’excellente qualité qui, comme celles des viandes ou poissons, comportent l’ensemble des acides aminés composant les protéines de notre organisme. Comme le montre la figure 2 issue d’un article du Journal of Nutrition de 2015, elles contiennent tous les acides aminés essentiels A en bonnes proportions : avec 52g/100g de protéines, les protéines solubles du lait (whey) sont les plus riches en acides aminés essentiels. Les caséines se situent quant à elle en seconde position (48g/100g) devant le bœuf ou les œufs (44g/100g).3

 

Concentration Acides aminés essentiels EAA sources protéines lait

Figure n°2 : Concentration en Acides aminés essentiels (EAA) de différentes sources de protéines.3

 

Les barres blanches correspondent aux protéines d’origine végétale, les bleues aux protéines laitières, les grises aux autres protéines animales (viande, poisson et œuf) et la noire aux protéines musculaires de l’Homme. La ligne horizontale en pointillée représente la concentration en acides aminés essentiels la plus haute relevée durant l’étude, à savoir celle des protéines solubles du lait (whey protein).


Est-ce que tous les acides aminés essentiels sont aussi importants ?

Oui, puisque par définition un acide aminé essentiel ne peut pas être synthétisé par l’organisme. Le manque de n’importe quel acide aminé essentiel aura donc des conséquences néfastes sur l’organisme.

Néanmoins, parmi ceux-ci, il existe un acide aminé tout particulièrement important pour stimuler au mieux la synthèse protéique musculaire : il s’agit de la Leucine. Ceci peut être tout particulièrement intéressant pour les sportifs ou même les seniors et personnes âgées.3 4 5 Pour plus d’informations sur l’intérêt de la Leucine pour stimuler l’anabolisme B, consultez notre article « Quelles sont les protéines les adaptées pour répondre aux besoins des seniors ? ».

La figure 3 représente la teneur en Leucine de différentes sources de protéines. On remarque alors que les protéines laitières sont les meilleures sources de Leucine (11,7% pour le whey et 9,2% pour les caséines*). Il s’agit donc de protéines parfaitement adaptées aux personnes souhaitant maintenir ou renforcer leur masse musculaire.3

 

Concentration Leucine sources protéines

Figure n°3 : Concentration en Leucine de différentes sources de protéines.3

 

La teneur en acides aminés essentiels est-elle le seul paramètre à prendre en compte pour juger de la qualité d’une protéine ?

Non, il existe un indicateur qui permet d’évaluer la qualité d’une protéine : il s’agit du DIAAS (Digestible Indispensable Amino Acid Score). Pour une protéine donnée, celui-ci prend en compte la composition en acides aminés essentiels ainsi que la digestibilité C de chacun.6 7 Pour plus d’information au sujet de cet indicateur, n’hésitez pas à consulter notre article dédié à la qualité des protéines.

 

D’après la figure 4 dont les données sont tirées d’une étude menée par S. Phillips en 2017, le lait entier a un DIAAS d’environ 1,14. En comparaison, le blanc de poulet a un DIAAS de 1,08 et la viande de bœuf se situe aux alentours de 1,0 (le DIAAS dépendant de la digestibilité de chaque acide aminé essentiel de la protéine, le mode de cuisson du produit carné peut influencer cette valeur).8 9 Plus un aliment a un DIAAS élevé, plus les protéines qu’il contient sont digestes et correspondent aux besoins nutritionnels. Par conséquent, on remarque que les protéines laitières peuvent représenter un excellent substitut aux produits carnés.

 

DIAAS aliments et ingrédients

Figure n°4 : DIAAS de différents aliments et ingrédients.8

 

Les barres blanches correspondent aux protéines d’origine végétale, les bleues aux protéines laitières et les grises aux autres protéines d’origine animale (viande et œuf).

 

Par ailleurs, la figure 4 met en évidence les deux principaux inconvénients des protéines d’origine végétales : d’une part elles sont généralement incomplètes et d’autres part elles sont moins digestes. Ceci explique pourquoi ces protéines ne dépassent jamais le DIAAS de 1,0. Par exemple, les protéines de riz manquent de Lysine et de Thréonine, deux acides aminés essentiels que l’on retrouve globalement peu dans les céréales (en particulier la Lysine).10 Et la digestibilité des protéines de cet aliment est d’environ 55 à 65%.11 Ceci explique que le DIAAS du riz cuit se situe à seulement 0,59.12

 

Malgré tout, les protéines végétales restent des protéines qu’il ne faut pas négliger. Elles peuvent même surpasser les viandes sur certains points, comme le montre la figure 3 : le maïs (maize) a une teneur excellente en Leucine (12,2%) qui est près de 40% supérieure à celle des protéines de bœuf (8,8%).3 Cependant, le manque d’autres acides aminés essentiels peut limiter les effets bénéfiques de la Leucine cités précédemment. Ainsi, l’important est de toujours varier ses sources de protéines pour couvrir correctement ses besoins nutritionnels.


Par rapport aux autres protéines, seuls les avantages des protéines laitières sont présentés. Sont-elles vraiment meilleures en tout point ?

La réponse est évidemment non, il n’existe pas d’aliment parfait. Ainsi les viandes rouges conservent un avantage indéniable : leur importante teneur en fer.13 La viande rouge est ainsi une des meilleures sources de fer de l’alimentation courante, puisque 100g d’aliment cuit permettent de couvrir 18 à 26% des besoins journaliers en fer. D De son côté, le lait ne contient qu’une quantité très négligeable de fer.14

 

Malgré tout, les végétariens peuvent satisfaire leurs besoins en fer avec des aliments comme les lentilles. A titre comparatif, 100g de lentilles vertes cuites permettent d’assouvir 15 à 22% des besoins journaliers en fer (à noter cependant que la biodisponibilité E du fer des végétaux est moins importante que celle des viandes).2

 

Nota bene : L’anémie, c’est-à-dire le manque d’hémoglobine dont la cause est multiple mais souvent due à un manque de fer (carence alimentaire ou malabsorption), concerne près d’un quart de la population mondiale (1,62 milliard de personnes) selon les données relevées par l’OMS en 2008.15 Si l’on fait le choix de ne pas consommer de viande, il est donc important de surveiller sa consommation journalière de fer et de privilégier des aliments qui en apportent suffisamment (oléagineux et légumineuses) et, si besoin, d’opter pour des compléments alimentaires riches en fer (comme la Lactoferrine).

 

Néanmoins, en ce qui concerne les vitamines et minéraux, le lait n’est pas en reste : comme la viande de bœuf, il s’agit d’une bonne source de Phosphore, Potassium, et de vitamines B2, B5, et B12. Mais en plus de cela, le lait contient davantage de Calcium ainsi que de vitamines B1 et B9.2 13 16


Mais finalement, comment remplacer la viande lorsqu’on a l’habitude d’en avoir dans son assiette ?

Pour nombre d’entre nous, les traditions alimentaires sont ancrées dans notre culture : une assiette complète est constituée d’une viande et de ses accompagnements (légumes et féculents). Mais aujourd’hui, des produits imitant l’aspect, la texture et parfois même le goût de la viande sont apparus. Il s’agit des simili-carnés. Les plus connus sont ceux à base de protéines végétales (soja, céréales, pois chiche, …) mais il n’est pas rare que les protéines du lait viennent compléter ces analogues de la viande, notamment par l’ajout de fromage. Il est même tout à fait possible de constituer des simili-carnés entièrement à base de lait.

Pour clore cet article, il est parfaitement possible de substituer les produits carnés par une alimentation variées en produits d’origine animale (œufs et produits laitiers) et végétale (céréales, légumineuses, oléagineux) pour assurer ses besoins protéiques. Varier les sources permet d’assurer ses apports sur tous les nutriments essentiels (acides aminés, acides gras, vitamines, minéraux, …). C’est la raison pour laquelle le PNNS (Plan National Nutrition Santé) recommande un équilibre 50% protéines animales et 50% protéines végétales. Dans ce sens, les nouvelles alternatives à la viande composées de protéines végétales et de fromage apparaissent comme de très bons compromis.

 

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à nous contacter.

Auteurs : Rémi Maleterre & Audrey Boulier.

 

*A [Acide aminé essentiel] : Acide aminé que l’organisme n’est pas capable de synthétiser et qu’il est indispensable d’apporter par l’alimentation.

*B [Anabolisme] : Synthèse des protéines musculaires.

*C [Digestibilité] : Pour un nutriment, il s’agit de la quantité ingérée effectivement disponible pour l’organisme après digestion et absorption. Elle peut être exprimée en pourcentage.

*D [Besoins journaliers en fer] : D’après l’ANSES, les besoins journaliers en fer sont de 11mg pour les hommes et les femmes ménopausées et de 16mg pour les femmes non ménopausées.

*E [Biodisponible] : relatif à l’absorption et l’utilisation d’un élément par l’organisme. Plus un nutriment est biodisponible, plus celui-ci est absorbé et utilisé par l’organisme.

*les valeurs de Leucine données correspondent à celles mesurées dans les produits Prodiet® 90S pour le whey et Prodiet® Fluid pour les caséines micellaires. Ces produits sont développés par Ingredia.

________________________________________________________________________________________________

[1] Gabriel Tavoularis and Éléna Sauvage, “Les nouvelles générations transforment la consommation de viande,” Crédoc, September 1, 2018, https://www.credoc.fr/publications/les-nouvelles-generations-transforment-la-consommation-de-viande.

[2] ANSES, “Ciqual Table de Composition Nutritionnelle Des Aliments,” accessed March 30, 2020, https://ciqual.anses.fr/.

[3] Stephan van Vliet, Nicholas A. Burd, and Luc J. C. van Loon, “The Skeletal Muscle Anabolic Response to Plant- versus Animal-Based Protein Consumption,” The Journal of Nutrition 145, no. 9 (September 2015): 1981–91, https://doi.org/10.3945/jn.114.204305.

[4] Imanipour Vahid et al., “The Effects of Branch-Chain Amino Acids on Fatigue in the Athletes,” Interventional Medicine & Applied Science 10, no. 4 (n.d.): 233–35, https://doi.org/10.1556/1646.10.2018.10.

[5] Chad M. Kerksick et al., “ISSN Exercise & Sports Nutrition Review Update: Research & Recommendations,” Journal of the International Society of Sports Nutrition 15, no. 1 (August 1, 2018): 38, https://doi.org/10.1186/s12970-018-0242-y.

[6] Food and Agriculture Organization of the United Nations, ed., Dietary Protein Quality Evaluation in Human Nutrition: Report of an FAO Expert Consultation, FAO Food and Nutrition Paper 92 (FAO Expert Consultation on Protein Quality Evaluation in Human Nutrition, FAO, 2011).

[7] Gertjan Schaafsma, “The Protein Digestibility–Corrected Amino Acid Score,” The Journal of Nutrition 130, no. 7 (July 1, 2000): 1865S-1867S, https://doi.org/10.1093/jn/130.7.1865S.

[8] Stuart M. Phillips, “Current Concepts and Unresolved Questions in Dietary Protein Requirements and Supplements in Adults,” Frontiers in Nutrition 4 (2017): 13, https://doi.org/10.3389/fnut.2017.00013.

[9] Suzanne M. Hodgkinson et al., “Cooking Conditions Affect the True Ileal Digestible Amino Acid Content and Digestible Indispensable Amino Acid Score (DIAAS) of Bovine Meat as Determined in Pigs,” The Journal of Nutrition 148, no. 10 (October 1, 2018): 1564–69, https://doi.org/10.1093/jn/nxy153.

[10] V. R. Young and P. L. Pellett, “Wheat Proteins in Relation to Protein Requirements and Availability of Amino Acids,” The American Journal of Clinical Nutrition 41, no. 5 Suppl (1985): 1077–90, https://doi.org/10.1093/ajcn/41.5.1077.

[11] Kunlun Liu, Jiabao Zheng, and Fusheng Chen, “Effect of Domestic Cooking on Rice Protein Digestibility,” Food Science & Nutrition 7, no. 2 (January 24, 2019): 608–16, https://doi.org/10.1002/fsn3.884.

[12] Brigid McKevith, “Nutritional Aspects of Cereals,” Nutrition Bulletin 29, no. 2 (2004): 111–42, https://doi.org/10.1111/j.1467-3010.2004.00418.x.

[13] ANSES, “Ciqual Table de Composition Nutritionnelle Des Aliments – La Viande Rouge, Cuite (Aliment Moyen),” accessed March 24, 2020, https://ciqual.anses.fr/#/aliments/6585/viande-rouge-cuite-(aliment-moyen).

[14] “Le Fer | Anses – Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et Du Travail,” accessed March 24, 2020, https://www.anses.fr/fr/content/le-fer.

[15] Bruno De Benoist, World Health Organization, and Centers for Disease Control and Prevention (U.S.), Worldwide Prevalence of Anaemia 1993-2005 of: WHO Global Database of Anaemia (Geneva: World Health Organization, 2008), http://whqlibdoc.who.int/publications/2008/9789241596657_eng.pdf.

[16] ANSES, “Ciqual Table de Composition Nutritionnelle Des Aliments – Le Lait, Teneur En Matière Grasse Inconnue, UHT (Aliment Moyen),” accessed March 19, 2020, https://ciqual.anses.fr/#/aliments/19039/lait-teneur-en-matiere-grasse-inconnue-uht-(aliment-moyen).