Quels sont les besoins protéiques des seniors et personnes âgées ?
31 juillet 2019
Il existe un certain nombre de complications dues à l’âge. Une des complications majeures est la perte de masse musculaire qui peut notamment affecter de façon importante la qualité de vie en limitant la mobilité des seniors.
A partir de quel âge considérons-nous ces problèmes musculaires ?
Il existe globalement trois catégories d’âges à définir :
- Les jeunes seniors, c’est-à-dire les personnes ayant entre 40 et 65 ans. Les pertes musculaires sont encore minimes, il est surtout important d’agir afin de les PRÉVENIR ;
- Les seniors entre 65 et 75 ans. Certains problèmes musculaires peuvent survenir, l’objectif est alors de les PRÉVENIR et de les TRAITER ;
- Les personnes âgées de plus de 75 ans. Les problèmes musculaires sont accentués. Davantage de maladies liées à l’âge peuvent alors être installées et il est possible de les TRAITER.
L’objectif est alors de déterminer comment la modification de son mode de vie peut permettre de prévenir et de limiter le développement des maladies musculaires liées à l’âge.
Comment surviennent ces complications liées à l’âge ?
A partir de 40-50 ans, une diminution de la masse musculaire et des capacités physiques commence à apparaître. Cela représente 3 à 8% de perte de masse musculaire tous les 10 ans en fonction du mode de vie1 2. C’est le début potentiel de la sarcopénie, c’est-à-dire la perte de masse musculaire liée à l’âge, une maladie multifactorielle (figure 1)3.
Figure n°1 : Causes principales de la sarcopénie3.
Il est primordial de réagir le plus tôt possible afin d’éviter de tomber dans le cercle vicieux de la perte de masse musculaire liée à l’âge (figure n°2).
Pour cela, nous pouvons agir sur les causes comportementales (figure 1), notamment sur l’alimentation et la sédentarité3.
Figure 2 : Le « cercle vicieux » de la sarcopénie.
Pouvons-nous agir en modifiant notre alimentation ?
Oui, c’est possible. Les recommandations qui vont suivre permettent aussi bien de prévenir les troubles musculaires liés à l’âge (telle que la sarcopénie) que de les pallier. Celles-ci devraient donc aussi bien être suivies par les jeunes seniors que par les personnes plus âgées.
Pour stimuler l’anabolisme* des muscles âgés, une plus forte dose de protéines est nécessaire par rapport à des muscles plus jeunes. Une étude de 2012 a démontré qu’une petite quantité d’environ 5g de protéines suffisait pour déclencher l’anabolisme chez de jeunes adultes, et une réponse anabolique maximale était observée à partir d’une vingtaine de grammes. Alors que pour des individus plus âgés, une quantité deux fois plus importante était nécessaire pour les mêmes résultats (soit une quantité comprise entre 30 et 40g pour une réponse maximale, comme l’indique la figure n°3) 1 2 3 4. Ce phénomène a également été démontré au cours d’une méta-analyse de 2015 : les quantités de protéines retenues pour favoriser un anabolisme optimal sont de 0,24g/kg de poids corporel par repas pour les jeunes adultes, et 0,40g/kg pour les personnes plus âgées5. D’où l’importance d’augmenter ses apports protéiques pour les seniors et personnes âgées.
Figure n°3 : Synthèse protéique musculaire en fonction de la dose de protéines ingérée chez de jeunes adultes (courbes vertes) et des personnes âgées (courbes bleues)4.
Les courbes pleines correspondent à l’anabolisme observé pour des muscles au repos, et les courbes en pointillés pour des muscles ayant subi une activité physique.
Le point le plus important est d’apporter à l’organisme suffisamment de protéines afin d’augmenter la synthèse protéique musculaire. Pour les jeunes seniors ou les personnes âgées, 1,2g de protéines par kilogramme de masse corporelle par jour est un minimum pour pouvoir maintenir sa masse musculaire et améliorer ses capacités physiques 2 9 10. Certaines études démontrent même qu’il serait utile de consommer jusqu’à 1,5g/kg/j de protéines pour assurer un maintien efficace des fonctions musculaires 11 12 13. Cependant, les apports protéiques conseillés à l’âge adulte sont de 0,8g/kg/j : il s’agit donc de presque doubler ses apports protéiques journaliers. Il peut ainsi être difficile de consommer autant de protéines, notamment si l’appétit diminue. C’est la raison pour laquelle les suppléments protéiques peuvent être une bonne alternative pour couvrir ces besoins protéiques en cas de dénutrition et sous suivi médical 5.
Est-ce vraiment nécessaire pour les seniors et les personnes âgées de consommer autant de protéines ? Ne serait-ce pas dangereux ?
On imagine souvent qu’un régime riche en protéines peut entraîner des complications rénales. Cependant, à l’heure actuelle, aucune étude n’a démontré qu’un régime riche en protéines pouvait entraîner des problèmes rénaux chez des personnes saines14. Néanmoins, un régime hyper protéiné est déconseillé chez les sujets ayant des problèmes rénaux connus ou ayant des prédispositions. En effet, dans ce cas une consommation protéique supérieure à 0.8g/kg/j peut se révéler délétère chez certaines personnes15.
Les protéines seules suffisent ou une activité physique est obligatoire ?
L’activité physique constitue un stimulus qui permet d’amplifier la synthèse protéique musculaire. La figure n°4 est issue d’une étude de 2013 comparant la synthèse protéique musculaire en fonction de la dose de protéine ingérée (ici, des protéines solubles du lait) et de l’activité physique. On remarque ainsi que l’activité physique permet d’augmenter significativement le niveau d’anabolisme16.
Figure n°4 : Synthèse protéique musculaire en fonction de la quantité de protéine ingérée et de l’activité physique 13
Myofibrillar FSR = « Myofibrillar Synthetic Rate », correspondant au taux de synthèse musculaire.
La plupart des études semblent indiquer qu’une supplémentation protéique sans activité physique ne permet pas une augmentation durable et suffisante de la masse musculaire des sujets âgés 3 17. La supplémentation protéique seule apparaît donc comme insuffisante. C’est pour cette raison que l’Organisation Mondiale de la Santé recommande aux personnes âgées de plus de 65 de pratiquer au moins 150 minutes d’activité d’endurance à intensité modérée ou 75 minutes à intensité soutenue par semaine, ainsi que des exercices de renforcement musculaire au moins 2 fois par semaine1318.
On parle beaucoup des protéines, mais s’agit-il des seuls nutriments à apporter en quantités plus importantes ?
Non, ce ne sont pas les seuls. Les micronutriments ont également une importance primordiale, et notamment le calcium et la vitamine D. Un apport suffisant de ceux-ci participe au maintien de la masse musculaire et de la force, mais pas seulement ! En effet, le calcium et la vitamine D sont également essentiels pour assurer le maintien du capital osseux 19.
Faisons d’abord un rappel en ce qui concerne notre capital osseux : il existe un mécanisme de renouvellement similaire à celui des protéines. Globalement, jusqu’à l’âge d’environ 50 ans, la densité osseuse reste stable car un équilibre existe entre synthèse et dégradation. Cependant, après 50 ans, la dégradation peut dépasser la synthèse et la diminution de la densité osseuse survient. Une absence de traitement peut conduire à l’ostéoporose. Les os deviennent alors poreux et fragiles, et le risque de fracture est important. Ajouté à cela une potentielle diminution de la masse musculaire et de la force au travers de la sarcopénie, et nous avons ainsi une augmentation conséquente du risque de chute grave pouvant engendrer d’importants problèmes de mobilités 20.
Consommer davantage de vitamine D et de calcium permet d’assurer un meilleur maintien de son capital musculaire et osseux. Cependant, la sous-consommation de vitamine D est courante : les apports journaliers conseillés par l’ANSES sont de 15µg pour les adultes. Or la consommation moyenne est de 3,1µg/j en France, soit 5 fois inférieure aux recommandations de l’ANSES ! Il est donc indispensable d’apporter davantage de vitamine D afin de combler ce déficit potentiel 21.
Pour le calcium, il est recommandé de consommer 900 à 1200mg par jour pour les personnes de plus de 50 ans. La consommation journalière moyenne est suffisante sans être non plus excessive puisqu’elle se situe autour de 900mg. Il reste donc important de veiller à avoir une alimentation suffisamment riche en calcium 22.
D’accord, alors quels aliments devrions-nous consommer ?
La question est très judicieuse car toutes les protéines ne se valent pas. Il est primordial de sélectionner une source de protéines de bonne qualité correspondant à nos besoins. Et cela fera justement tout l’objet du prochain article qui détaillera l’intérêt que peuvent représenter les protéines laitières pour prévenir la sarcopénie.
Pour plus d’informations sur nos protéines de lait et notre expertise, n’hésitez pas à nous contacter.
Auteurs : Rémi Maleterre & Audrey Boulier.
* [Anabolisme] : Synthèse des protéines musculaires.
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